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Un créancier peut-il poursuivre une action paulienne à l’encontre de son débiteur failli ?

Le maître de l’ouvrage peut être confronté à cette situation lorsque l’entrepreneur perçoit un acompte et est très rapidement déclaré en faillite. Dans un tel cas, l’entrepreneur n’exécutera jamais les travaux et son client n’a pratiquement aucune chance de récupérer son acompte.

Confronté à une telle situation, un maître de l’ouvrage a cherché à obtenir la condamnation pénale de l’administrateur de l’entreprise déclarée en faillite en faisant valoir que ce dernier avait commis un abus de confiance.

Malheureusement, le maître de l’ouvrage n’a pas pu obtenir condamnation de l’entrepreneur en raison des caractéristiques spécifiques du délit d’abus de confiance, qui est défini par          l’article 491 du Code pénal dans les termes suivants : « Quiconque aura frauduleusement soit détourné, soit dissipé au préjudice d’autrui, des [fonds] qui lui avaient été remis à la condition de les rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à 5 ans et d’une amende de 26 € à 500 € ».

Le problème, en l’espèce, est qu’il n’y a abus de confiance que dans le cas où le client effectue un paiement avec l’intention de ne remettre l’argent qu’à titre précaire. Or, le versement d’un acompte est effectué comme un paiement définitif.

C’est précisément en raison du caractère définitif du paiement que la Cour de cassation n’a pas retenu l’abus de confiance :

« L’abus de confiance implique que la remise [des fonds] a lieu à titre précaire.

« Sauf stipulation contraire entre les parties au contrat […], c’est en propriété que sont transmis les acomptes versés à un entrepreneur qui s’est engagé à effectuer un travail en exécution de celui-ci. A cet égard, la circonstance que l’entreprise comprend la livraison de pièces est sans incidence.

« A défaut d’interversion de la possession, l’inexécution du contrat ne saurait constituer un abus de confiance »[1].

Cela ne signifie pas que le maître de l’ouvrage soit privé de tous moyens d’action mais le principal d’entre eux consiste à être particulièrement vigilant à la fois dans la rédaction du contrat en prévoyant que les paiements seront limités et que des garanties suffisantes seront obtenus préalablement de la part de l’entrepreneur.

En outre, le comportement d’un entrepreneur qui perçoit des acomptes importants sans exécuter les travaux ne reste évidemment pas impuni. Il peut être sanctionné par les tribunaux civils.

Cela dit, et comme toujours – mais c’est un truisme –, la meilleure solution est de choisir un bon entrepreneur.

[1]              Cass. (2e ch.), 17 septembre 2014, Pas., 2014, p. 1896.

Bernard Louveaux

Pour en savoir plus : B. LOUVEAUX, « Remise d’un acompte à l’entrepreneur et inexécution des travaux : abus de confiance ? (non) », ImmoSpector du 26 septembre 2016, Wolters-Kluwer, Actualités.