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Les actes et travaux soumis à permis d’urbanisme, les infractions urbanistiques et les permis de régularisation: quelques récentes modifications en régions wallonne et bruxelloise

Introduction

  1. Si le législateur bruxellois n’a modifié la liste des actes et travaux soumise à permis qu’en ce qui concerne l’épineuse question des divisions de logements, le législateur wallon a revu de façon substantielle la matière, qu’il s’agisse du permis d’urbanisme pour les constructions groupées ou du permis d’urbanisation destiné à remplacer le permis de lotir. Si la réforme bruxelloise sera étudiée plus en détail, la réforme wallonne sera simplement évoquée puisque déjà traitée par ailleurs.

Dans la matière des infractions urbanistiques et des permis de régularisation, ce ne sont pas uniquement les réformes législatives qui retiendront notre attention, mais également les évolutions jurisprudentielles, dont certaines ont été entérinées par les législateurs régionaux.

 

  1. Les actes et travaux nouvellement soumis à permis d’urbanisme
  2. Région bruxelloise
  3. L’ordonnance du 14 mai 2009 modifiant le CoBAT soumet désormais à permis d’urbanisme le fait de « modifier le nombre de logements dans une construction ».[1]

A la différence du texte wallon qui ne vise que la « création » d’un nouveau logement dans un immeuble existant, le législateur bruxellois vise « la modification du nombre de logements» dans une construction, ce qui vise aussi bien la création de nouveaux logements que la diminution du nombre de logements.

L’exposé des motifs  de la réforme ne semblait avoir à l’esprit qu’une augmentation du nombre de logements.[2] Les critiques formulées lors des discussions en Commission et tendant à clarifier le texte en ce sens ont été rejetées[3], de sorte qu’en présence d’un texte clair, il ne fait guère de doute qu’une diminution du nombre de logements est soumise à permis préalable.

  1. La réforme entreprise ne signifie pas qu’avant son entrée en vigueur, la modification du nombre de logements au sein d’un immeuble d’habitation n’était pas soumise à permis d’urbanisme.

En effet, le législateur bruxellois soumettait déjà permis d’urbanisme notamment le fait d’apporter « des transformations à une construction existante », ce qui inclut notamment « la modification intérieure (…) d’un bâtiment (…) même si ces travaux ne modifient pas le volume de la construction existante »[4]. Or, les travaux de transformation intérieurs impliquant une modification du nombre d’unités de logement ou de leur répartition n’étaient précédemment pas exonérés de permis d’urbanisme préalable.[5] Il n’en a cependant pas été ainsi de tous temps : le lecteur est renvoyé à la contribution réservée spécifiquement à cette question et parue dans un précédent numéro de la présente revue.[6]

  1. La modification législative innove cependant puisque précédemment, la modification du nombre d’unités de logement mise en œuvre sans travaux ne nécessitait pas de permis d’urbanisme.

On songe ainsi à un petit immeuble de deux ou trois appartements qui vient à être occupé dans son entièreté par une seule famille, les cuisines des étages étant utilisées comme buanderie ou espace de rangement. Il en va de même lorsque les enfants quittent peu à peu le ménage et que les appartements précédemment occupés par l’ensemble de la famille sont progressivement remis en location. A suivre le libellé du texte, un permis d’urbanisme serait requis dans les deux cas de figure, malgré l’absence de travaux de transformation.

Le système mis en place risque de poser rapidement de nombreuses difficultés pratiques lors des mutations immobilières, puisque la seule façon de s’assurer que la situation telle que vendue est légalement acquise consiste à s’assurer que le nombre d’unités de logements n’a pas été modifié, même indépendamment de la réalisation de travaux, ce qui n’est pas nécessairement facile à établir, en particulier lorsque certains occupants ne sont pas domiciliés dans l’immeuble.

  1. On regrettera que la notion de « logement » ne soit pas autrement précisée par le législateur. L’exposé des motifs est d’une relative indigence à cet égard puisqu’il y est seulement indiqué que cette notion doit « s’entendre dans le sens le plus large. »[7] Lors des discussions en Commission, les intervenants se réfèrent à plusieurs reprises au nombre de « ménages » dans une maison.[8]

La pratique administrative des autorités communales suivie jusqu’à ce jour est généralement d’appréhender le logement d’un point de vue fonctionnel : le nombre de cuisines/salles de séjour couplé au nombre de salles d’eau permet de se faire une idée du nombre d’unités fonctionnellement indépendantes susceptibles d’être comptabilisées comme logement. Cette approche est par la suite corroborée par le nombre de personnes inscrites au service de la population, soit comme formant un seul ménage (ce qui se déduit notamment des noms et des dates communes d’entrée et de sortie,  …), soit étage par étage, lorsque la division de l’immeuble correspond à des étages.

  1. Région wallonne
  2. Le décret du 30 avril 2009 instaure la notion de permis d’urbanisation[9], appelé à remplacer le permis de lotir et crée un régime nouveau de permis d’urbanisme pour les constructions groupées[10], abrogeant celui prévu précédemment à l’article 126 du CWATUPE.

Il modifie également le régime applicable en matière d’ouverture, de modification ou de suppression de voirie communale en instaurant un régime d’autorisation du conseil communal avec possibilité de recours au Gouvernement.[11]

Ces différentes innovations sont traitées dans la présente revue au travers de contributions qui y sont spécialement consacrées, de sorte que le lecteur y est renvoyé.

Pour le surplus, en région wallonne, aucune autre modification notable n’a été instaurée en matière d’actes et travaux soumis à permis d’urbanisme depuis le décret-programme du 3 février 2005.

 

III.  Les permis de régularisation : rappels des principes et évolutions jurisprudentielles et législatives

  1. La délivrance d’un permis de régularisation est soumise, pour rappel, à la vérification de trois conditions essentielles fixées par la jurisprudence du Conseil d’Etat. Certaines d’entre elles ont progressivement intégrées, précisées ou modifiées au fil du temps, tant par le Conseil d’Etat que par les législateurs régionaux et le législateur wallon en particulier.
  2. La régularisation ne peut être infléchie par le poids du fait accompli
  3. Il doit être démontré que les actes et travaux érigés sans permis répondent aux exigences du bon aménagement du territoire : en pratique, le permis de régularisation doit être suffisamment motivé pour permettre au Conseil d’État de vérifier “ que l’appréciation du bon aménagement qui a présidé à la prise de décision n’a pas été infléchie par le poids des faits accomplis ”[12]. Il va de soi que la référence faite à « l’héritage du passé » ne peut être admis comme motivation satisfaisante.[13]

 

  1. La régularisation ne peut faire obstacle à une décision judiciaire définitive ordonnant la démolition des ouvrages
  2. Les actes et travaux ne peuvent avoir fait l’objet d’une décision judiciaire définitive en ordonnant la démolition. En effet, l’autorité de chose jugée attachée à une décision judiciaire ordonnant la démolition d’un ouvrage s’oppose à la délivrance d’un permis de régularisation, même lorsque la demande de permis de régularisation porte sur la transformation et la modification de la destination de l’ouvrage dont la démolition a été ordonnée.[14]

En revanche, il était admis qu’un permis de régularisation puisse être délivré en dehors de toute transaction avec l’administration[15], ce qui n’est plus le cas en région wallonne, comme nous le verrons.

  1. La régularisation ne peut être contraire aux dispositions urbanistiques applicables, sauf recours aux mécanismes de dérogation

 

  1. Les actes et travaux ne peuvent, en principe, être contraires aux prescriptions urbanistiques réglementaires. Ce principe pose la question de l’admissibilité d’un permis d’urbanisme de régularisation dérogatoire.

Certains arrêts semblaient exclure une telle possibilité[16], tandis que d’autres[17] ainsi qu’une partie de la doctrine[18] semblaient l’admettre, pour autant bien entendu que les conditions auxquelles le législateur subordonne le recours au mécanisme de dérogation soient remplies.

Le législateur wallon prévoit désormais expressément cette possibilité en matière de transaction, comme nous le verrons,[19] de sorte qu’en région wallonne il n’existe plus de doute sur la possibilité de délivrer un permis de régularisation dérogatoire.

  1. La régularisation se voit appliquer rationae temporis les normes urbanistiques les plus favorables à l’auteur de l’infraction
  2. Les actes travaux  doivent se voir appliquer les normes urbanistiques les plus favorables à l’auteur de l’infraction, comme le prévoit désormais expressément le législateur wallon en matière de transaction.[20]

La question des dispositions urbanistiques qu’il convient d’appliquer à la demande de permis de régularisation, à savoir celles applicables au moment de la commission de l’infraction ou celles applicables au moment de statuer, a fait longtemps débat.

La jurisprudence du Conseil d’Etat a évoluée sur cette question. Certes, l’appréciation de la demande de régularisation doit, en principe, se faire en fonction des prescriptions urbanistiques réglementaire en vigueur au moment de l’examen de la demande dès lors que le demandeur ne peut se prévaloir d’une situation de fait acquise légalement lors de la réalisation des travaux. L’autorité doit, en effet, tenir compte des dispositions légales et réglementaires qui existent au moment où elle prend sa décision[21] et non celles applicables au moment de la commission de l’infraction. Cette solution est certaine lorsque les prescriptions urbanistiques réglementaires nouvelles survenues après la réalisation des travaux ne s’opposent pas à leur régularisation[22].

Toutefois, lorsque les prescriptions urbanistiques réglementaires adoptées postérieurement à la réalisation des travaux empêchent leur régularisation, cette solution est remise en cause: la jurisprudence récente du Conseil d’Etat semble confirmer l’application aux demandes de permis de régularisation des prescriptions applicables au moment de la commission de l’infraction.

  1. Dans un arrêt Leroy du 2 juin 1992, le Conseil d’Etat avait une première fois jugé que “ la référence à un plan d’aménagement postérieur à la construction des bâtiments dont le maintien est sollicité ne peut constituer une motivation pertinente de refus de régularisation ”[23].

Cet arrêt, à l’époque isolé, peut surprendre, dans la mesure où l’autorité appelée à statuer sur une demande de permis “ doit tenir compte des dispositions légales et réglementaires existant au moment de la décision, et non de celles existant au moment où les faits se sont produits ”[24].  Dans un arrêt Vervloesem du 31 juillet 2002, le Conseil d’Etat énonçait encore que « lorsque l’autorité qui délivre le permis se prononce sur une demande de permis de bâtir, elle est tenue, en qualité d’organe de l’administration active, d’appliquer la réglementation en vigueur au moment où elle se prononce sur la demande. L’argumentation de la partie intervenante selon laquelle il ne fallait pas tenir compte du plan particulier d’aménagement lors de l’octroi du permis, étant donné qu’il s’agit en l’espèce de la régularisation d’un garage qui avait déjà été érigé avant l’élaboration du plan particulier d’aménagement, ne peut être admise ».[25]

Cependant, plus récemment, plusieurs arrêts du Conseil d’Etat ont consacré la thèse énoncée dans l’arrêt Leroy du 2 juillet 1992: « selon une jurisprudence constante, l’octroi ou le refus de permis de régularisation doit être fondé sur l’appréciation des prescriptions réglementaires et de la conception du bon aménagement des lieux en vigueur au moment où les actes et travaux ont été exécutés, et non au moment de la délivrance du permis »[26].

Ainsi jugé que « lorsque la réglementation change entre le moment où le permis est demandé et celui où la décision est prise, celle-ci doit en principe être fondée sur la nouvelle réglementation.  Cependant, s’agissant d’une demande de permis de régularisation, l’appréciation de la possibilité d’octroyer un tel permis doit, quand le changement de réglementation urbanistique, qui ne contient aucune disposition de droit transitoire ou d’ordre public, est intervenu après l’exécution de la construction litigieuse, s’opérer au moment où l’infraction a été commise. L’octroi ou le refus de régularisation doit être fondé sur l’appréciation des prescriptions réglementaires et de la conception du bon aménagement des lieux en vigueur au moment où les actes et travaux ont été exécutés sans permis »[27].

  1. Cette construction jurisprudentielle interpelle au regard du souci manifesté par la jurisprudence constante du Conseil d’Etat, en matière de permis de régularisation, qui vise à éviter que l’appréciation du bon aménagement des lieux soit infléchie par le poids du fait accompli.

Il ne faut pas perdre de vue que les prescriptions urbanistiques traduisent la conception que les autorités se font du bon aménagement des lieux : leur modification traduit une modification des exigences du bon aménagement des lieux. Tenir compte des prescriptions applicables au moment de la réalisation des actes et travaux revient, en réalité, à appliquer des prescriptions qui ne correspondent plus à la conception que l’autorité se fait du bon aménagement des lieux.

En réponse à cette objection, le Conseil d’Etat estime que le permis doit se référer à «la conception du bon aménagement des lieux en vigueur au moment où (les actes et travaux) ont été érigés » et non « par rapport à une conception du bon aménagement des lieux contemporaine à l’adoption (du permis d’urbanisme de régularisation) ».[28]

Si cette décision a le mérite de la cohérence, elle contraint néanmoins l’autorité à un exercice de style particulièrement délicat qui risque d’avoir pour effet de reléguer l’appréciation du bon aménagement des lieux à une fiction juridique abstraite, alors pourtant que le Conseil d’Etat exige, en cas de permis de régularisation, une motivation spécifique tendant à établir que la décision n’a pas été infléchie par le poids du fait accompli.

  1. En région wallonne, la notification d’un procès-verbal d’infraction interdit la délivrance d’un permis de régularisation
  2. L’article 159bis du CWATUP inséré par décret du 24 mai 2007 relatif aux infractions et sanctions en matière d’urbanisme, dispose que dès que le contrevenant s’est vu notifier un procès-verbal d’infraction[29], toute demande de permis d’urbanisme de régularisation (ou de déclaration urbanistique de régularisation) doit être déclarée irrecevable aussi longtemps que :

1° soit un jugement correctionnel coulé en force de chose jugée n’a pas statué sur la demande de remise en état formulée par le fonctionnaire délégué et le collège échevinal.

Il va de soi, dans notre esprit, que le permis de régularisation ne pourra être délivré que dans l’hypothèse où le jugement intervenu rejette la demande de remise en état qui a été formulée. D’une part, comme précisé ci-avant, il ne se conçoit pas qu’un permis d’urbanisme puisse régulariser des travaux dont la démolition a été ordonnée par jugement coulé en force de chose jugée.[30] D’autre part, si le jugement ordonne des travaux d’aménagement ou encore le payement de la plus-value acquise par le bien, aucun permis d’urbanisme de régularisation n’est requis pour l’aménagement ou le maintien des ouvrages litigieux.[31]

2° soit le montant de la transaction proposée au contrevenant n’a pas été versée[32].

Comme on le verra ci-après, le recours à la transaction est encouragé par le législateur wallon au détriment des mesures classiques de réparation que sont la remise en état de lieu dans leur pristin état, les travaux d’aménagement ou le payement de la plus-value acquise par le bien suite à la commission de l’infraction.

  1. Cette intervention législative part d’une intention louable puisque son objectif est double.

Elle a pour ambition d’instaurer un système supposé garantir l’intervention des autorités judiciaires ou administratives dès qu’une infraction urbanistique est constatée dans un procès-verbal d’infraction, afin que les actes et travaux exécutés ou maintenus en infraction fassent l’objet soit d’une sanction, soit d’une réparation, soit encore d’une régularisation combinée avec une transaction.

Elle évite surtout la pratique fréquente consistant pour le prévenu poursuivi devant le Tribunal à introduire une demande de permis de régularisation, ce qui amenait régulièrement les juridictions à accorder une remise de l’affaire dans l’attente de l’issue de l’instruction de la demande de permis de régularisation : en quelque sorte, « l’administratif tenait le pénal en état », ce qui ralentissait considérablement l’aboutissement des procédures judiciaires.

  1. Compte tenu des effets attachés désormais aux procès-verbaux, la circulaire ministérielle du 5 juillet 2007 relative aux infractions et aux sanctions en matière d’urbanisme invite les fonctionnaires à ne pas dresser procès verbal lorsque les conditions suivantes sont réunies : l’infraction a été commise en toute ignorance, l’infraction est d’une faible importance, l’infraction peut être facilement réparée, le contrevenant s’est engagé à faire disparaître l’infraction et un court délai est imposé pour la réparation de l’infraction.[33] Dans ce cas, le procès-verbal est précédé d’un avertissement de façon à connaître les dispositions de l’auteur de l’infraction quant à la réparation de l’infraction.
  2. Cette nouvelle règle pourrait avoir des conséquences étendues, si elle devait être interprétée comme imposant de déclarer irrecevable toute demande de permis qui a pour effet de régulariser même indirectement ou partiellement des actes et travaux visés au procès-verbal d’infraction.

Dans une telle acception, la plupart des procès-verbaux aura pour effet de bloquer durablement les immeubles concernés, alors même qu’aucune juridiction ne s’est encore prononcée sur le bien fondé de l’infraction constatée et sans garantie aucune qu’une action judiciaire sera effectivement bien menée à l’encontre de l’auteur de l’infraction.

La compatibilité d’un tel régime -qui attache à un simple procès-verbal d’infraction des effets juridiques limitant la libre disposition des biens- avec le droit à un procès équitable et la présomption d’innocence pose assurément question, d’autant qu’aucune voie de recours n’est a priori ouverte à l’encontre de la décision d’irrecevabilité de la demande de permis.[34] L’auteur de l’infraction suspectée n’aura alors d’autre salut que de tenter de convaincre l’auteur du procès-verbal d’annuler celui-ci en démontrant que l’infraction n’est pas établie ou de payer la transaction qui lui est proposée, à moins d’attendre l’initiation d’éventuelles poursuites judiciaires à son encontre pour pouvoir se justifier des faits qui lui sont reprochés.

 

  1. Les infractions urbanistiques
  2. En matière d’infractions urbanistiques, les évolutions récentes se traduisent autant par les évolutions jurisprudentielles que par les dernières réformes législatives initiées dans les deux régions.
  3. Région bruxelloise
  4. L’ordonnance du 14 mai 2009 comprend une série de modifications essentiellement de forme relatives aux infractions urbanistiques. Deux modifications méritent d’être brièvement relevées.
  5. Les pouvoirs de police des agents chargés du constat des infractions urbanistiques
  6. L’ordonnance du 14 mai 2009 précise que les visites domiciliaires peuvent avoir lieu sans autorisation préalable du tribunal de police s’il y a des indices d’infraction et « que la personne présente sur place y a consenti ».[35]

Afin d’être compatible avec le principe de l’inviolabilité du domicile, garanti par l’article 15 de la Constitution et par l’article 8.1 de la Convention européenne des droits de l’homme, il nous semble que la personne qui donne son consentement sur place doit être la personne domiciliée dans les lieux au sens des dispositions précitées, et non une tierce personne (femme d’ouvrage,…).

L’ordonnance du 14 mai 2009 précise également que désormais les agents « peuvent se faire communiquer tous les renseignements en rapport avec ces recherches et constatations.»

  1. Les mesures d’exécution d’office dans le cadre des permis d’urbanisme à durée limitée
  2. Initialement, les mesures d’exécution d’office ne pouvaient être ordonnées que lorsque le titulaire du permis d’urbanisme à durée limitée n’avait pas remis les lieux dans leur pristin état à l’expiration du délai de validité de son permis.

L’ordonnance du 19 février 2004 avait étendu la possibilité de recourir aux mesures d’office lorsque l’auteur d’actes et travaux soumis à permis à durée limitée ne disposait pas d’un tel permis.

Désormais, l’ordonnance du 14 mai 2009, permet le recours aux mesures d’office également lorsque le titulaire du permis réalise des travaux non conformes au permis d’urbanisme à durée limitée qui lui a été octroyé. Il est tenu de réaliser les travaux de mise en conformité sur simple réquisition du collège échevinal ou du fonctionnaire délégué.

 

  1. Région wallonne
  2. Le décret du 30 avril 2009 instaure de nouvelles infractions
  3. Le décret du 30 avril 2009 apporte peu de modifications en matière d’infractions urbanistiques, sous cette réserve que les dispositions en la matière ont été modifiées de façon à tenir compte des nouvelles formes d’autorisations préalables prévues par le CWATUPE.

Sont ainsi érigés en délit le fait d’urbaniser un bien sans permis d’urbanisation préalable, postérieurement à sa péremption ou à sa suspension ou encore le fait de procéder sans l’autorisation du conseil communal ou le cas échéant du Gouvernement à l’ouverture, à la modification ou la suppression d’une voirie communale.[37]

  1. Le décret du 24 mai 2007 : le renforcement du système des poursuites et du mécanisme de transaction
  2. La matière des infractions urbanistiques a été profondément modifiée par le décret du 24 mai 2007 relatif aux infractions et sanctions en matière d’urbanisme.

Ce décret avait pour objectif d’instaurer un système qui garantit l’intervention des autorités judiciaires ou administratives dès qu’une infraction urbanistique est constatée dans un procès-verbal d’infraction, afin que les actes et travaux exécutés ou maintenus en infraction fassent l’objet soit d’une sanction, soit d’une réparation, soit encore d’une régularisation combinée avec une transaction. Plusieurs mesures sont ainsi prévues.

  1. Tout d’abord, le procès-verbal d’infraction doit être notifié « dans les plus brefs délais » au maître d’ouvrage, aux titulaires de droits réels sur le biens, à l’exception de l’hypothèque et de l’antichrèse, à toute personne qui fait usage du bien, au collège communal, au fonctionnaire délégué et au procureur du Roi.[38]

L’importance de cette notification tient au fait qu’elle rend irrecevable toute demande de permis de régularisation afférente aux infractions constatées, aussi longtemps qu’un jugement définitif ou qu’une transaction n’est pas intervenue, comme évoqué précédemment.[39]

« Dans la notification du procès-verbal au Procureur du Roi, il est conseillé d’inviter ce dernier à se prononcer sur l’opportunité des poursuites dans les nonante jours».[40] Cette invitation est essentielle pour la raison suivant :

a)- soit le fonctionnaire délégué ou le Gouvernement estime les travaux régularisables et, comme nous le verrons, souhaite une transaction. L’invitation au Procureur du Roi s’impose puisqu’une transaction ne peut être proposée que si le Procureur du Roi n’a pas marqué son intention de poursuivre dans les nonante jours de la demande qui lui est faite.[41]

b)- soit, le fonctionnaire délégué ou le Gouvernement estime que les travaux ne sont pas régularisables et qu’il n’y a, dès lors, pas lieu à proposer une transaction : il convient, dans ce cas, de laisser au Procureur du Roi l’initiative des poursuites en l’invitant à préciser son intention quant à ce.

Si le Procureur du Roi indique son intention d’initier des poursuites, le fonctionnaire délégué et le collège échevinal indiqueront celle des trois mesures de réparation qu’ils postuleront devant le Tribunal correctionnel (remise dans le pristin état, travaux de transformation ou payement de la plus-value acquise par le bien suite à la commission de l’infraction).

En revanche, à défaut pour le Procureur du Roi d’avoir marqué son intention de poursuivre dans les nonante jours de la demande qui lui est faite, le Code prévoit désormais que fonctionnaire délégué doit poursuivre devant le Tribunal civil l’une des trois mesures de réparation précitées.[42]

Le système ainsi conçu entend assurer qu’une suite effective soit réservée aux procès-verbaux d’infraction. Sa réussite dépendra, dans une large mesure :

– de la possibilité d’initier une collaboration entre les autorités administratives et le Procureur du Roi, ce dernier devant, idéalement, être informé le plus rapidement possible des intentions des autorités administratives quant au mode de réparation envisagé (transaction, remise dans le pristin état, travaux de transformation,…) de façon à pouvoir prendre attitude en pleine connaissance de cause quant à l’opportunité des poursuites ;

– de la capacité du fonctionnaire délégué à respecter l’obligation qui lui est faite de solliciter les mesures de réparation devant le Tribunal civil lorsque le Procureur du Roi ne manifeste pas son intention d’initier de poursuites devant le Tribunal correctionnel.

  1. Lorsque l’infraction est susceptible de régularisation, une transaction peut intervenir avec le contrevenant. Le nouveau décret prévoit désormais que, dans cette hypothèse, le gouvernement et le fonctionnaire délégué, de commun accord avec le collège échevinal, doivent proposer une transaction.

La transaction devient, en quelque sorte, le principe, sous cette importante réserve que l’appréciation du caractère régularisable ou non de l’infraction relève dans une large mesure du pouvoir discrétionnaire des autorités appelées à proposer la transaction. Il semble admis que l’examen du caractère régularisable de l’infraction puisse tenir compte du fait que « de légers travaux d’aménagement (pourraient) être imposés dans le permis de régularisation à délivrer ».[43]

En pratique, la transaction devient la règle en cas des travaux infractionnels à l’égard desquelles le fonctionnaire délégué et le collège échevinal sollicitaient autrefois devant le tribunal « le payement de la plus-value acquise par le bien suite à la commission de l’infraction » ou de légers « travaux d’aménagement », étant entendu que ces mesures pourront encore être postulées devant le Tribunal lorsque le parquet indique son intention de poursuivre dans le délai qui lui est imparti ou lorsque le prévenu refuse la transaction qui lui est proposée.

  1. La transaction est proposée par le gouvernement ou le fonctionnaire délégué de commun accord avec le collège échevinal, étant entendu que la décision du collège échevinal est réputée favorable à la transaction en l’absence de réaction dans les 60 jours de la demande du gouvernement ou du fonctionnaire délégué, ce qui est nouveau.

A la différence du Gouvernement et du fonctionnaire délégué qui sont tenus de proposer une transaction lorsqu’ils estiment la situation régularisable, il résulte des travaux préparatoires que la commune dispose d’un pouvoir d’appréciation.[44]

Comme précédemment, la transaction ne peut être valablement proposée que lorsque le Procureur du Roi n’a pas marqué son intention de poursuivre l’auteur de l’infraction devant le tribunal correctionnel dans les 90 jours de la demande qui lui est faite.

  1. Les conditions dans lesquelles la transaction peut intervenir ont été sensiblement élargies. Elles sont examinées ci-dessous, en même temps que les effets de la transaction et du refus de transaction.
  2. a) Les conditions dans lesquelles une transaction peut être proposée sont élargies
  3. Les conditions dans lesquelles une transaction peut être proposée ont été sensiblement élargies, puisque la transaction peut désormais être proposée aux deux conditions cumulatives suivantes :

1° les actes et travaux infractionnels sont susceptibles d’obtenir le permis d’urbanisme requis eu égard à la destination générale de la zone ou de son caractère architectural, comme l’indiquait déjà le régime antérieur.

2° les actes et travaux infractionnels :

– soit sont conformes à la réglementation en vigueur au moment de leur accomplissement, conformément à la jurisprudence récente du Conseil d’Etat, et, lorsqu’elle est plus favorable à l’auteur de l’infraction, à la réglementation « en vigueur au moment du dépôt de la demande », et curieusement pas au moment de proposer la transaction[45];

– soit répondent aux conditions légales dans lesquelles un permis d’urbanisme dérogatoire est susceptible d’être accordé en application des articles 110 à 113 et 127, §3 du CWATUPE, ce qui clarifie les controverses jurisprudentielles existantes à ce propos.[46]

  1. b) Les effets de la transaction
  2. Le versement de la transaction « éteint l’action publique et le droit pour les autorités publiques à demander toute autre réparation », comme le prévoyait déjà le régime antérieur. Il permet également l’introduction d’une demande de permis d’urbanisme de régularisation, comme précisé plus avant.

Les travaux préparatoires rappellent que le payement de la transaction ne préjuge en rien de l’issue de la demande de permis de régularisation, même si le respect du principe de bonne administration inviterait les autorités administratives à envisager une issue favorable à la demande de régularisation qui serait introduite à la suite du versement du montant de la transaction.[47]

Il est regrettable que le législateur ait découplé la délivrance du permis de régularisation du paiement de la transaction, sans simultanément appréhender spécifiquement les effets de la transaction dans l’hypothèse où le permis de régularisation devait néanmoins être refusé pour des motifs d’opportunité urbanistique qui ont échappé au fonctionnaire délégué et au collège échevinal au moment de la proposition de la transaction : d’une part, le droit pour l’autorité publique de demander toute autre forme réparation est éteint, de l’autre, la situation infractionnelle n’est pas couverte par un permis d’urbanisme de régularisation.

  1. c) Le refus de la transaction
  2. L’auteur présumé de l’infraction est en droit de refuser la transaction auquel cas il s’expose au risque de voir le Procureur du Roi entamer des poursuites à son encontre auprès du tribunal correctionnel ou de voir le fonctionnaire délégué ou le collège échevinal solliciter une mesure de réparation auprès du tribunal civil ou par voie de citation directe devant le Tribunal correctionnel.

Si le risque de poursuites d’initiative du parquet demeure relativement marginal, l’auteur s’expose néanmoins au risque de se voir condamné non seulement à une éventuelle peine correctionnelle mais également au payement de la plus-value acquise par le bien suite à la commission de l’infraction[48], ce qui peut être beaucoup plus onéreux que le payement de la transaction.

 

  1. La nature des mesures de réparation sollicitées par le collège échevinal et le fonctionnaire délégué : quelques évolutions jurisprudentielles récentes.
  2. La nature des mesures de réparation sollicitées par le fonctionnaire délégué et le collège échevinal devant les juridictions pénales a fait l’objet d’une jurisprudence abondante de la Cour de Cassation et de la Cour constitutionnelle qui lui reconnait un caractère hybride.

D’une part, les mesures de réparation ont un caractère civil, ce qui entraine plusieurs conséquences, dont notamment le faitqu’elles puissent être ordonnées alors même qu’aucune peine n’est prononcée, ou alors qu’une simple déclaration de culpabilité a été prononcée en raison du dépassement du délai raisonnable.

D’autre part, les mesures de réparation, lorsqu’elles sont sollicitées dans le cadre d’une procédure pénale, relèvent de l’action publique puisque subordonnées à la constatation d’une infraction et à la prononciation de la peine principale. « Bien qu’elle ait un caractère civil, la (mesure de réparation) est liée à l’ordre public et est, par certains aspects, un accessoire indivisiblement lié à la sanction pénale ; en effet, elle est le prolongement de celle-ci puisqu’elle tend – au-delà de la condamnation pénale – à empêcher que subsiste une situation perpétuant l’infraction »[49].

Tant la Cour de Cassation et la Cour constitutionnelle s’accordaient néanmoins sur le fait que les mesures de remise en état ne constituaient pas une peine. « La remise en état des lieux ne constitue pas une peine, mais une forme spéciale de réparation ou de restitution tendant à mettre fin à la situation contraire à la loi qui résulte de l’infraction et porte atteinte à l’intérêt général »[50]. Il s’agit donc d’une forme particulière de restitution au sens de l’article 44 du code pénal.[51]

  1. Dans un arrêt Hamer du 27 novembre 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a ébranlé ces certitudes en reconnaissant aux mesures de remise en état la qualité de « peine » au sens de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.[52]

Les faits dont fut saisie la Cour peuvent être résumés comme suit. La requérante était poursuivie pour maintien de travaux irréguliers. En raison du dépassement du délai raisonnable, la Cour d’appel d’Anvers n’avait prononcé qu’une simple déclaration de culpabilité. En revanche, elle avait prononcé une condamnation à procéder aux mesures de remise en état. La Cour de cassation rejeta le pourvoi introduit à l’encontre de cet arrêt au motif que le dépassement du délai raisonnable n’impliquait pas l’extinction de l’action publique et que la remise des lieux dans leur état d’origine ne constituait pas une peine, mais une mesure d’ordre civil et que, par conséquent, ces mesures n’étaient pas incompatibles avec une simple déclaration de culpabilité.

La Cour européenne relève que si le juge du fond avait également relevé le dépassement du délai raisonnable pour ne prononcer qu’une simple déclaration de culpabilité, il n’en a tiré aucune conséquence quant à la mesure de réparation sollicitée, puisque la requérante a été condamnée à la remise en état des lieux.

La Cour européenne réaffirme l’autonomie de la notion « d’accusation en matière pénale » telle que la conçoit l’article 6 et qualifie ensuite la mesure de remise en état de « peine ». Elle justifie tout d’abord sa décision en raison des controverses doctrinales et jurisprudentielles belges relatives à la question de la qualification des mesures de remise en état, alors pourtant que ces controverses sont inexistantes comme exposé ci-avant, la jurisprudence et la doctrine reconnaissant à ces mesures un caractère hybride. Elle fonde ensuite son analyse sur le fait que ces mesures sont sollicitées « du fait de l’exercice de poursuites pénales » et qu’elles ont, dans le cas d’espèce, « des conséquences très lourdes pour la requérante ».

La Cour européenne constate enfin que, dans le cas présent, le délai raisonnable pour prononcer la peine de remise en état des lieux était dépassé, puisque la procédure dans son ensemble, entre la notification du constat d’infraction pour maintien de travaux irréguliers et le dernier arrêt intervenu, a duré entre huit et neuf ans, dont plus de cinq ans entre la notification du constat d’infraction et l’introduction de la procédure judiciaire alors même que l’instruction ne revêtait pas de complexité particulière.

  1. Les conséquences pratiques en droit interne de la qualification des mesures de remise en état comme « peines » sont plus qu’incertaines, d’autant que le raisonnement suivi par l’arrêt Hamer fut critiqué par une partie de la doctrine.[53]

Si l’arrêt de la Cour européenne a manifestement inspiré de nombreux plaideurs, la Cour de Cassation a développé une jurisprudence tendant à distinguer, de façon assez artificielle, la notion de « peine » au sens de la Convention européenne des droits de l’homme et la notion de « peine » au sens du droit pénal et de procédure pénal belges, comme l’illustrent les trois arrêts de la Cour de cassation commentés ci-dessous.

  1. Dans une première affaire, le pourvoi en cassation alléguait que les mesures de remise en état étant une peine, elles ne pouvaient pas être ordonnées « en cas d’extinction de l’action publique, en raison de la suppression du caractère punissable ou en raison de la prescription». De même, s’agissant d’une peine, il fut soutenu qu’il appartenait au juge de fixer celle-ci, ce qui lui impose d’exercer non seulement un contrôle marginal de légalité, mais également un contrôle d’opportunité.

La Cour de cassation a rejeté ces arguments sur base de considérations qui peuvent être résumées comme suit.[54]

La constatation qu’une mesure de réparation constitue une peine au sens des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a seulement pour effet que les garanties offertes par ces dispositions doivent être observées. Elle n’implique pas, dans la législation belge, l’application des dispositions générales du droit pénal et du droit procédural pénal belges.

Dès lors, le juge pénal peut ordonner la mesure de réparation dans le but de mettre fin aux conséquences de ce délit, même s’il constate l’extinction de l’action publique en raison de la suppression du caractère punissable ou en raison de la prescription.

Dès lors également, il n’y a pas lieu de permettre au juge de disposer de la plénitude de juridiction pour contrôle l’opportunité de la mesure de remise en état. La Cour de cassation relève à cet égard que le législateur a confié le choix des mesures de réparation à l’administration qui disposed’une compétence d’appréciation ainsi qu’une compétence politique que le juge est tenu de respecter en vertu du principe de la séparation des pouvoirs et qu’il ne peut sanctionner que dans le cadre d’un contrôle marginal de légalité.

En matière d’urbanisme, la procédure tendant à ordonner la réparation doit être contrôlée, dans son ensemble, à savoir d’une part, au niveau de l’intervention de l’administration, dont il n’est pas invoqué qu’elle ne déciderait pas de façon impartiale et devant laquelle le prévenu peut faire valoir ses observations et, de l’autre, le contrôle de légalité de cette intervention par le juge qui peut rejeter cette demande notamment si le choix de la mesure n’a pas été effectué avec l’impartialité requise.

La Cour de cassation de conclure qu’une telle procédure satisfait aux garanties de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ne requiert pas que le juge pénal puisse statuer, tant en fait qu’en droit, sur tous les points de la décision de l’administration et la réformer conformément à sa propre appréciation.

Dans le compte rendu de cet arrêt, M. BOES fait pertinemment observer qu’au regard de la jurisprudence de la Cour européenne, la référence faite à l’impartialité de l’administration et à la possibilité pour le prévenu de faire valoir ses observations auprès d’elle ne peut pas priver ce dernier de l’accès à un juge disposant de la plénitude des pouvoirs pour la fixation de la peine.[55]

  1. Plus récemment, la Cour de cassation fut saisie d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles qui avait jugé que le dépassement du délai raisonnable n’avait aucune conséquence juridique sur la mesure de remise en état des lieux qui doit toujours être ordonnée. La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles sur base des motifs suivants :

« La constatation que la mesure de réparation constitue une ‘peine’ au sens de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, implique seulement que les garanties offertes par ces dispositions doivent être observées, dont le traitement de la cause dans un délai raisonnable.

La constatation qui précède n’a pas pour effet que cette mesure constituerait une peine dans le droit pénal belge, de sorte que s’y appliquerait les dispositions générales du droit pénal belge et du droit de la procédure pénale belge, particulièrement en ce qui concerne la réduction de la peine et même la simple déclaration de culpabilité.

En vertu de l’article 21ter, al.2 de la loi du 17 avril 1878 contenant le Titre préliminaire du Code de procédure pénale, le juge pénal qui constate le dépassement du délai raisonnable de l’action publique, est tenu, s’il y a lieu, de condamner l’inculpé aux restitutions ; cela vaut également pour la mesure de remise en état des lieux dans leur pristin état au sens de l’article 149, §1er du décret du Parlement flamand du 18 mai 1999 portant organisation de l’aménagement du territoire qui tend, à l’instar de la restitution, à la remise des lieux dans l’état qui précédait la commission de l’infraction ».[56]

  1. Plus récemment encore, la Cour de Cassation fut saisie d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers, chambre correctionnelle, condamnant un héritier à la remise en état des lieux en raison d’une infraction commise par le défunt auquel il succède, alors même que ledit héritier n’était pas propriétaire du bien, qu’il n’était pas démontré qu’il aurait reçu le bien concerné en suite de l’héritage et qu’il n’était pas démontré qu’il aurait commis l’infraction.

Le pourvoi invoquait notamment que la mesure de remise en état étant une peine, elle ne pouvait être infligée aux héritiers de l’auteur de l’infraction en raison du caractère « personnel » que doit revêtir toute peine.

Le pourvoi fut rejeté pour les motifs suivants. « La constatation que la remise des lieux en leur état initial constitue une « peine » au sens de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a pour seule conséquence qu’il y a lieu d’observer les garanties prévues par cette disposition, dont l’examen de la cause dans un délai raisonnable, et non que cette mesure est de nature pénale dans la législation belge entraînant l’application des dispositions générales du droit pénal et du droit procédural pénal belges, particulièrement en ce qui concerne la personnalité de la peine. 

L’action en réparation prévue à l’article 149, § 1er, du décret du Conseil flamand du 18 mai 1999 portant organisation de l’aménagement du territoire tend à faire disparaître la situation contraire à la loi pénale, plus précisément l’atteinte née de l’infraction en matière d’urbanisme et portant atteinte au bon aménagement du territoire.

En tant que dette de nature civile née de la responsabilité personnelle du contrevenant, l’obligation de réparer relève du passif de sa succession transmise à ses héritiers, même s’ils ne sont pas propriétaires de l’immeuble concerné par l’infraction. »

 

Joël van Ypersele

 

[1] Art. 98, §1er, 12° du CoBAT, tel que modifié par l’ordonnance du 14 mai 2009.

[2] Doc. Parl. Brux. A-527/1,  2008-2009, p. 24 : « Dans l’état actuel, aucune disposition du CoBAT n’impose expressément l’obtention d’un permis d’urbanisme préalablement à la division d’un immeuble de logements en un nombre plus important de logements. »

[3] Doc. Parl. Brux. A-527/2,  2008-2009, p.119

[4] Art. 98, §1er, 2°, CoBAT

[5] Arr. gouv. Brux.,13 novembre 2008,  déterminant les actes et travaux dispensés du permis d’urbanisme, art.9, 2° ; Arr. gouv. Brux., 12 juin 2003, déterminant les actes et travaux dispensé de permis d’urbanisme, art. 5, 1° : Arr. gouv. Brux.,  11 janvier 1996, déterminant les actes et travaux dispensé de permis d’urbanisme, art. 2, 2°.

[6] J. van YPERSELE, P.-Y. ERNEUX et C. AUGHUET, « Les divisions horizontales en régions wallonne et bruxelloise », JURIM PRATIQUE 3/2008, pp.41 à 73.

[7] Doc. Parl. Brux. A-527/1,  2008-2009, p. 24.

[8] Doc. Parl. Brux. A-527/2,  2008-2009, p.117 et 118.

[9] Art. 88 nouveau, CWATUPE

[10] Art. 89 nouveau, CWATUP; Ce régime nouveau abroge le régime du permis d’urbanisme pour les constructions groupées visé à l’article 126 du CWATUPE.

[11] Art. 129bis, CWATUPE

[12] C.E., Bultreys, n° 31.288, 4 novembre 1988 ; D. LAGASSE, op. cit., éd. Jeune Barreau, 1992, pp. 34-36 ; C.E., Dehan, n° 33.111, 4 octobre 1989, A.P.M., 1989, 140, Amén., 1990, p. 98.

[13] C.E., Meeus, nº 110.657, 25 septembre 2002, , Amén., 2003/2, p.133

[14] C.E., Immabel, nº 141.537, 3 mars 2005, T.R.O.S. 2005, p.189.

[15] C.E., Ville de Courtrai, n° 23.384, 21 juin 1983 .

[16] C.E. Sablières, containers et Transports Fort-Labiau, n°126.310, 11 décembre 2003; C.E. Roman, n°150.865, 27 octobre 2005 ; C.E. Warin et Bardot, n°152.397, 8 décembre 2005.

[17] C.E. Roosens, n°157.212, 30 mars 2006 ; C.E., Peeters et crts, n°163.844, 19 octobre 2006.

[18] « Dès lors que le Conseil d’Etat considère que pour qu’un permis de régularisation puisse être délivré, il faut que les prescriptions réglementaires « ne s’opposent pas »,  «n’empêchent pas » la délivrance du permis, cela impliquerait que des dérogations puissent être accordées lors de la délivrance du permis de régularisation puisque les prescriptions réglementaires d’un plan d’aménagement, d’un permis de lotir ou d’un règlement d’urbanisme ne s’opposent pas et n’empêchent pas la délivrance de permis dérogatoires » ( F. HAUMONT, “ Le point sur le permis de régularisation en urbanisme ”, Amén., 1995, p. 68, n° 6).

[19] Art. 155, §6, CWATUPE ; v. infra n°23.

[20] Art. 155, §6, CWATUPE ; v. infra n°23.

[21] C.E., Commune de Brasschaat, n° 18.527, 8 novembre 1977, J.T., 1978, pp. 725-728, note D. LAGASSE ; C.E., Bultreys, n° 31.288, 4 novembre 1988, Amén., 1989, p. 19, note M. BOES ; C.E., Chabeau, n° 37.291, 25 juin 1991 ; contra C.E., Leroy, n° 39.546, 2 juin 1992.

[22] C.E., Chabeau, n° 37.291, 25 juin 1991.

[23] C.E., Leroy, n° 39.546, 2 juin 1992 et F.HAUMONT, Urbanisme/Région wallonne, Larcier, n° 1234, selon lequel « l’octroi ou le refus de permis de régulations doit être fondé sur l’appréciation des prescriptions réglementaires et de la conception du bon aménagement des lieux en vigueur au moment où les actes et travaux ont été exécutés sans permis ».

[24] M. BOES, obs. sous C.E., Bultreys, n° 31.288, 4 novembre 1988, Amén., 1989, p. 19.

[25] C.E., Vervloesem, nº 109.616, 31 juillet 2002, RABG 2003, liv. 2, 73, note LUST, S.,  De regularisatievergunning: beoordeling nu of toen?

[26] B. PAQUES, La motivation des permis d’urbanisme : un art ou une science ?, Amén. env., 2003, p. 160 et les références

[27] C.E., s.a. Pisciculture de la Houille, n° 125.112, 6 novembre 2003 ; C.E., Lequeux et Deladrière, n°180.238, 28 février 2008.

[28] C.E., n° 186.127 du 9 septembre 2008, en cause NOEL / REGION WALLONNE

[29] Le décret du 24 mai 2007 n’est pas applicable aux actes et travaux exécutés ou maintenus sans permis d’urbanisme ou sans déclaration urbanistique préalable et qui ont fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction notifié avant l’entrée en vigueur du décret le 28 juin 2007. En revanche, les infractions antérieures au 28 juin 2007 ayant fait l’objet d’un procès-verbal d’infraction notifié après le 28 juin 2007 sont soumises aux nouvelles règles applicables et ne peuvent faire l’objet d’un permis de régularisation. Le ministre a néanmoins invité à plusieurs reprises les fonctionnaires délégués à faire preuve d’une certaine tolérance avant de dresser procès-verbal à l’égard des infractions antérieures au 28 juin 2008 susceptibles d’être régularisées et faisant l’objet d’une demande de permis de régularisation antérieure à cette date (lettres du Ministre du 25 juin 2007, 31 janvier 2008 et du 15 mai 2008 reproduites en extrait par Orban de Xivry, E., « Le décret du 24 mai 2007 relatif aux infractions et aux sanctions en matière d’urbanisme », Amén., 20008/4, p.252).

[30] C.E., Immobel, nº 141.537, 3 mars 2005, T.R.O.S. 2005, p.189

[31] Les articles 155§5 et 157 al.3 du CWATUPE prévoient expressément cette solution pour les travaux d’aménagements ordonnés par jugement. Cette solution s’impose également, à notre estime et par analogie, aux travaux dont le jugement admet le maintien moyennant payement de la plus-value acquise par le bien suite à la commission de l’infraction, puisque cette mesure est sollicitée par le fonctionnaire délégué et le collège échevinal, qui sont les dépositaires du bon aménagement des lieux, et que la cohérence du mécanisme répressif mis en place ne s’accommode pas de ce que le principe même de ce qui a justifié la condamnation au payement de la plus-value, à savoir la conformité de la situation au bon aménagement des lieux, puisse être infirmé par la suite dans un éventuel refus de permis de régularisation.

[32] Art. 159bis, CWATUP

[33] Mon. B., 26 septembre 2007, p.50291

[34] « Le procès-verbal (…) est destiné à permettre à une autorité judiciaire de prendre attitude à l’égard de faits infractionnels. (…) Il s’en déduit que le Conseil d’Etat n’est pas compétent pour connaître de cet acte dont la légalité peut être contestée devant les juridictions judiciaires. (…)La légalité du procès-verbal de constatation des infractions relève, en l’espèce, de l’appréciation de l’autorité judiciaire et (…) il n’est par ailleurs, pas constaté qu’il n’y a pas eu de jugement coulé en force de chose jugée ni de versement du montant de la transaction. (…)L’irrecevabilité de la demande de permis de régularisation résulte de plein droit de l’article 159bis (du CWATUPE). (…) Si le collège communal a pris une délibération pour la constater, le requérant n’a pas intérêt à en demander l’annulation, celle-ci étant impuissante à modifier le caractère irrecevable de la demande de permis de régularisation » (C.E. n° 194.807 du 29 juin 2009, Demeure).

[35] Art. 301, CoBAT, tel que modifié par l’article 114 de l’ordonnance du 14 mai 2009.

[36] Art. 305, CoBAT, tel que modifié par l’article 116de l’ordonnance du 14 mai 2009.

[37] Art. 154, CWATUPE

[38] Art. 156, CWATUPE.

[39] Art. 159bis, CWATUPE ; v. supra n°14.

[40] Circulaire ministérielle du 5 juillet 2007 relative aux infractions et aux sanctions en matière d’urbanisme, Mon.b., 26 juin 2007.

[41] Art. 155, §6, dernier alinéa, CWATUPE.

[42] Art. 157, al.2, CWATUPE

[43] Circulaire ministérielle du 5 juillet 2007 relative aux infractions et aux sanctions en matière d’urbanisme, p.7.

[44] Doc. Parl. Wall., 594 (2006-2007), n°1, p.24.

[45] En effet, la transaction suit, en règle, la notification d’un procès-verbal d’infraction. Or, la notification préalable d’un procès-verbal rend irrecevable toute demande de permis de régularisation. Partant, une demande de permis ne peut, en règle, être introduite avant la transaction, de sorte que la référence faite à la réglementation en vigueur « au moment du dépôt de la demande » est inadéquate.

[46] Art. 155,§6, CWATUPE ; voy. supra n°10

[47] Doc. Parl. Wall., 594 (2006-2007), n°1, p.3.

[48] Hors le cas de légers travaux d’aménagement qui seraient exigés, le payement de la plus-value acquise par le bien suite à la commission de l’infraction sera la mesure qui sera habituellement sollicitée à l’égard de travaux susceptibles de régularisation qui ont fait l’objet d’une proposition de transaction refusée par le contrevenant, puisqu’il est difficilement concevable que les autorités ayant proposé une transaction au motif du caractère régularisable de la situation, parviennent, suite au refus de transaction par le contrevenant,  à justifier une mesure de démolition ou encore, la réalisation d’importants travaux d’aménagement.

[49] C. const., 26 novembre 2003, n° 154/2003 ; v. également Cass., 2ème ch., 11 septembre 2001, Pas. , 2001, p. 1369 et concl. av. gén. M. De SWAEF ; Cass., 2ème ch., 14 novembre 2001, Pas., p. 1857 ; Rev. dr. pén., 2002, p. 921 ; C. const., 28 mars 2002 ; Cass., 2ème ch., 19 mai 1999, Pas., 1999, I, 710 ; Cass.,  ch., vac., 10 août 1998, R.W., 1998-99, p. 918, note S. VAN OVERBEKE ; Cass., 3 décembre 1996, Pas. 1996, 1221 ; J.T., 1997, p. 482 ; Cass., 26 avril 1989, audience plénière, Pas. 1988.

[50] Cass., 2ème ch., 8 septembre 1998, Pas., 1998, I, 932 ; Bruxelles, 14ème ch. corr., 3 juin 2004, www.juridat.be

[51] C. const., 15 octobre 2002, Mon. b. , 2002, p. 51045, www.moniteur.be, attendu B.5.4.

[52] C.E.D.H., n° 21861/03, 27 novembre 2007 (Hamer / Belgique), Amén.  2008 (reflet ORBAN DE XIVRY, E.), liv. 2, 136; J.L.M.B.  2008, liv. 17, 732 , note BOMBOIS, Th. ; T.R.O.S.  2008, liv. 49, 71

[53] Voyez notamment la savante note de Th. BOMBOIS, « Ordre de remise en état des lieux, champ pénal et délai raisonnable », J.L.M.B. p.735-752 et particulièrement n°6 à 14 qui met la dimension pénale reconnue aux mesures de remise en état en perspective avec le reste de la jurisprudence de la Cour européenne (n°6 à 14) et fait un examen prospectif des conséquences de l’arrêt (n°15 à 21).

[54] Cass. (2e ch.) RG P.08.0081.N, 4 novembre 2008 (en cause G.N.H.D.; Y.H.T., C.T. c/ Stedenbouwkundige inspecteur van de provincie Limburg), Amén. 2009, liv. 1, 132; R.W. 2008-09, liv. 32, 1352; T.R.O.S.-Nieuwsbrief 2009 (sommaire), liv. 1, 7, note LINDEMANS, D.

[55] M. BOES, Amén.-Env. 2009, liv.2, p.132.

[56] Cass., 9 juin 2009, P.090023.N (traduction libre).

1 Cass., 23 juin 2009, P.09.0276.N (traduction libre)