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Les aspects familiaux du projet de réforme fiscale présenté par le Ministre Van Peteghem

Le 18 juillet 2022, le Ministre des Finances a publié son « épure pour une vaste réforme fiscale ».

Cette réforme est annoncée depuis des décennies et vise, en très résumé, à diminuer la pression fiscale sur le travail et à augmenter celle sur le patrimoine et les plus-values.

Pour citer un seul chiffre, le taux d’imposition le plus élevé – de 50% – serait reporté sur la tranche des revenus supérieure à 84.000 € (41.360 € actuellement, soit un doublement de la tranche !) ; la quotité exemptée d’impôt passerait de son côté de 9.270 à 13.390 €.

Les « bookmakers » politiques doutent qu’elle aboutira durant cette législature, mais il paraît raisonnable de penser qu’elle aboutira à terme dès lors qu’elle correspond aux standards énoncés certain depuis un temps par l’OCDE.

Dans cette réforme figure notamment la suppression d’une série de niches et avantages fiscaux, parmi lesquels la déductibilité des contributions alimentaires.

La presse, qui a commenté ce projet, n’a guère parlé de cet aspect et j’ai donc entrepris de faire plus de recherches à cet égard.

Je reproduis tout d’abord le texte publié par le Ministre :

Nous éliminons progressivement le quotient conjugal (notons le ton martial et à tout le moins volontariste 😊)

Une fiscalité moderne protège ce qui est précieux, y compris nos familles. Aujourd’hui, les familles prennent des formes diverses. Près de la moitié des ménages de notre pays sont composés de personnes vivant seules ou de parents isolés. Nous adaptons notre système fiscal en conséquence. Nous réduisons la distinction fiscale entre les isolés, les cohabitants et les personnes mariées. Nous éliminons progressivement le quotient conjugal.

Nous optons pour une majoration égale de la quotité exemptée d’impôt pour chaque enfant

Nous soutenons fiscalement les familles dans l’éducation des enfants. Aujourd’hui, toute personne ayant un enfant fiscalement à charge a droit à une majoration de la quotité exemptée d’impôt. Aujourd’hui, ce montant diffère par enfant à charge. Nous mettons la majoration pour chaque enfant sur un pied d’égalité. Les enfants handicapés et les enfants de familles vulnérables méritent notre attention particulière. Nous éliminons les obstacles à l’octroi de leurs avantages. Nous accordons une majoration supplémentaire de la quotité exemptée d’impôt aux véritables parents isolés.

Nous soutenons les parents qui travaillent

Nous aidons les parents à concilier travail et famille. L’État prend en charge une partie des frais de garde d’enfants. Pour accroître l’impact de ce soutien, nous augmentons la déductibilité fiscale des frais de garde d’enfants et permettons au fisc de remplir à l’avance ces frais sur la déclaration d’impôt. De cette façon, aucun parent n’est privé de cet avantage.  

Nous retirons les pensions alimentaires de notre système fiscal

Quiconque paye aujourd’hui une pension alimentaire, peut la déduire fiscalement. Le bénéficiaire de la pension est imposé sur celle-ci. Le système n’est pas neutre en termes de forme de vie commune. Par conséquent, nous retirons complètement le système des pensions alimentaires de notre fiscalité. Dans le même temps, nous veillons à ce que les parents puissent répartir entre eux les avantages fiscaux pour un enfant en fonction de la prise en charge de celui-ci, et que ces avantages ne soient plus nécessairement attribués au parent chez qui l’enfant est domicilié

Tout cela est assez clair, je me bornerai donc à un bref commentaire subjectif… qui n’engage que moi et à chaud par ailleurs :

L’égalisation des statuts entre isolés, cohabitants et mariés avec la suppression progressive ( 😊) du quotient conjugal paraît inéluctable avec l’obsolescence du mariage et plus exactement des unions pérennes : chacun pour soi dorénavant ! Il n’y a plus que des individus, le ministre note déjà la proportion des isolés d’une manière annonçant leur prochaine majorité dans les ménages belges.

L’égalisation de la quotité exemptée d’impôt pour chaque enfant : ce serait juste à mon sens ; depuis 2020 déjà, les allocations familiales sont identiques quelle que soit la position de l’enfant dans la fratrie. Un troisième enfant ne coûte pas plus cher qu’un premier, il est donc normal – et quasiment assuré que la quotité exemptée d’impôt soit identique pour chaque enfant.

Déduction des frais de garde amplifiée : ça me semble intéressant sans connaître les détails. J’applaudis par ailleurs l’idée d’un pré-remplissage de la déclaration d’impôt à cet égard en pensant à mes souvenirs de parent quémandant et/ou remplissant un tas de paperasses pour glaner de misérables gains fiscaux dus à mon statut de parent…

Suppression de la déductibilité fiscale des contributions alimentaires : là, je hurle quelque peu, car je trouvais que cette déductibilité constituait un chouette coup de pouce aux parents séparés – par hypothèse confrontés à un mur de problèmes budgétaires… Des milliers d’avocats utilisaient cette déductibilité pour grapiller un accord à des contributeurs trouvant toujours le montant de la contribution alimentaire trop élevé…

Par ailleurs, les contributions obtenues « grâce » à cette déductibilité ne devront-elles pas être revues puisqu’un aspect technique disparaît, à savoir le gain fiscal apporté par la déductibilité ?

 

François-Xavier Delogne

16 août 2022