La récupération des aides parentales dans le cadre de la procédure en liquidation-partage
Dans un post d’août 2023, je me penchais sur la question des donations opérées à un enfant marié (par exemple pour financer en partie l’achat de sa maison conjugale), pour conclure qu’actuellement, on considère que le bénéficiaire de ces donations est bien l’enfant seul et non les deux époux à qui la donation a profité.
Mais une donation suppose qu’on puisse établir l’animus donandi, c’est-à-dire l’intention de donner ou de se défaire de la somme irrévocablement :
Si ce n’est pas possible, le virement fait à l’enfant marié – l’aide financière qui lui a été apportée en d’autres termes, sera considéré comme un prêt ou une avance récupérable.
Concrètement, lors du divorce de cet enfant, se pose la question du sort à réserver à ce prêt, généralement consenti, encore une fois, lors de l’achat du logement familial ou pour y réaliser des travaux :
Comment les parents peuvent-ils revendiquer concrètement leur créance dans le cadre d’une procédure en liquidation-partage après le divorce de l’enfant qu’ils ont ainsi aidé ?
Ils ont évidemment intérêt à le faire pour alléger la charge de leur enfant dans le cadre des comptes issus du divorce : en effet, techniquement, ils ne réclameront pas le paiement effectif de la moitié due par leur enfant, mais uniquement celle due par leur belle-fille ou leur beau-fils ;
A cet égard, trois possibilités s’offrent à eux :
1.La créance des parents n’est pas contestée par les deux ex-époux
Si les deux ex-époux sont d’accord d’inscrire le montant de l’aide au passif de la masse à partager, il leur suffit simplement de l’indiquer au notaire charger de la liquidation-partage de leurs biens :
Le parent titulaire de la créance ne devra donc rien faire et se fera rembourser le montant versé au moment où les comptes entre époux seront clôturés, par exemple après la vente de leur domicile conjugal.
2.Créance revendiquée directement par les parents
La jurisprudence a expressément admis qu’un parent puisse intervenir aux opérations de liquidation-partage du régime matrimonial afin de revendiquer sa créance à l’égard des ex-époux.
Afin d’intervenir dans la procédure, le parent doit déposer une requête en intervention volontaire par laquelle il réclame le remboursement de sa créance ;
Même si la créance n’est pas encore établie, il suffit de démontrer au tribunal qu’il existe un risque qu’on porte atteinte à son droit d’être payé au moment où il forme son intervention.
L’admissibilité de cette intervention résulte du fait que l’ex-époux ne peut pas lui-même revendiquer une créance au nom de ses parents dans la procédure car, pour réclamer la reconnaissance d’un droit, il faut en être propriétaire[1].
En pratique cependant, l’intervention des parents dans la procédure de liquidation-partage, qui dans la majorité du temps est conflictuelle, peut être une position assez inconfortable pour tout le monde !
La revendication ainsi pratiquée portera sur toutes les dettes communes en présence d’époux mariés en communauté et des dettes contractées par les deux époux ou celles qui entrent dans la définition de dettes du ménage en présence de couples non mariés, ou encore mariés sous le régime de la séparation de biens.
Si la créance n’entrait pas dans ces catégories, ou si le parent ne réclame sa créance qu’à l’égard de l’ex-époux de son enfant, il doit introduire la procédure judiciaire devant le juge de droit commun : Cette procédure lui permettra d’obtenir un titre pour solliciter le remboursement de sa créance.
Enfin, si l’intervention du parent n’a pas pu être actée à l’introduction de la procédure de liquidation-partage, il pourra le cas échéant former opposition à partage sur le fondement de l’article 4.101 du (nouveau) Code civil.
En effet, l’opposition peut avoir lieu lors de la phase notariale jusqu’à ce que le partage soit « consommé », précise cette disposition.
Le notaire, spécialiste de la matière, pourra par ailleurs qualifier la créance et déterminer si elle fait partie de l’indivision ou non, ce qui permettra dans certains cas de régler la situation, sans intervention de la justice.
3.Cession de créance, donation et enrichissement sans cause
Si le parent, qui est détenteur d’une créance, ne souhaite pas s’immiscer dans les comptes entre les ex-époux, il peut aussi la céder à son enfant !
Par cette cession, l’ex-époux pourra alors se prévaloir de la créance et éviter ainsi toute la lourdeur d’une intervention volontaire ou même d’une opposition à partage.
Ce mécanisme ne demande aucun autre formalisme qu’un simple courrier indiquant la cession de sa créance à son. Ce courrier ne devra alors plus qu’être notifié à l’autre époux.
Il est donc fortement conseillé dans ce genre de situation.
A noter néanmoins que la cession de créance n’est possible que pour un prêt monétaire :
Si, par exemple, le parent avait prêté sa main d’œuvre personnelle à la rénovation de l’immeuble conjugal de son enfant et souhaitait récupérer sa créance dite « d’enrichissement injuste » (à savoir le coût de ses heures de travail, étant entendu que l’enrichissement injuste nécessite un travail professionnel), le mécanisme de la cession de créance ne serait pas envisageable.
Enfin, comme nous le savons maintenant, l’ex-époux pourrait également tenter de faire prévaloir le prêt du parent comme une donation qui aurait profité à la communauté, à l’indivision ou au patrimoine propre de son ex-époux :
Cette donation donnera alors droit à une récompense s’il parvient à établir qu’il en était le co-bénéficiaire comme nous l’avons vu dans le post d’août 2023.
Concrètement donc, contester la créance pour tenter de qualifier l’aide financière en une donation ne présente pas vraiment d’intérêt.
[1] N.Gendrin et D. Karadsheh, Liquidation-partage, R.P.D.B., Larcier, 2020, p. 245
7 septembre